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à Berlin, » montrait très-clairement que si Frédéric était un roi absolu, ce n’était cependant pas un despote.

Mais là où la différence commence, où les États-Unis ont fait une véritable découverte, c’est quand ils ont senti que la justice était aussi un pouvoir politique. Ce ne sont pas eux qui ont fait cette découverte en théorie, nous avons tous été élevés avec cette maxime, qu’il y a trois pouvoirs dans l’État : le pouvoir exécutif, le pouvoir législatif et le pouvoir judiciaire ; nous avons plusieurs constitutions qui déclarent que, lorsque ces pouvoirs sont réunis dans les mêmes mains, la liberté est compromise, que la division des pouvoirs est la garantie suprême de la liberté ; mais si toutes nos constitutions proclament cette vérité, il n’en est aucune qui se soit donné la peine de la faire entrer dans la pratique. Jamais, chez nous, la justice n’a été un pouvoir politique ; elle a été une branche de l’administration, une dépendance du pouvoir exécutif, une fonction du gouvernement, mais une fonction subalterne. Jamais la justice n’a été autre chose que l’application de la loi, sans discussion sur les mérites de la loi, application faite par des magistrats nommés par le prince. Je dirai plus, nous avons été tellement habitués à comprendre ainsi les choses, que peut-être en ce moment mon objection vous étonne-t-elle, et vous demandez-vous si le magistrat peut faire autre chose que d’appliquer la loi sans la discuter. Voyons comment les Américains ont été amenés à comprendre le pouvoir politique de la justice. Il y a là, pour nous, une grande leçon.

En Angleterre, il n’y a pas de constitution écrite,