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quelque chose de grand dans l’idée ; plus tard on méprise les hommes, on se méprise soi-même ; on se dit que ces mots de liberté, de vérité ne sont que des paroles sonores. Mais quand on est vieux, les sentiments changent, à moins que le cœur ne se soit racorni. On regarde derrière soi : on songe à un avenir inconnu, et alors on se rattache à la vérité toute seule ; on n’aime plus autre chose. La vérité dans l’histoire prend un autre caractère ; ce n’est plus quelque chose d’abstrait qu’on étudie, mais quelque chose de vivant qu’on sent et qu’on touche ; il semble qu’on voit défiler devant soi les hommes marchant vers un but que la plupart ne connaissent pas, mais qui est visible pour l’observateur. Puis ce ne sont plus les hommes que l’on voit marcher, mais un bras puissant qui les guide et qui les pousse. Descartes disait qu’il considérait la création comme durant toujours ; il ne comprenait pas que la main de Dieu cessât un instant de soutenir le monde ; partout, dans les flancs de l’animal comme sous l’écorce des végétaux, il voyait circuler une vie sans cesse renouvelée et en quelque façon recréée par le miracle perpétuel d’une éternelle bonté.

Cela est plus vrai encore quand on étudie le monde moral. On voit que l’homme a été créé libre, pour être responsable de ses actions, responsable du bien et du mal qu’il fait. On comprend que la liberté est la loi de sa nature, qu’il ne lui est point permis d’y renoncer. Il peut se laisser asservir par un maître, mais il ne sera jamais heureux dans la servitude ; cela n’est pas possible. Le despotisme ne peut lui donner le bonheur ;