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lieu d’être le serviteur du peuple, il voudra en devenir le maître ; il aura une politique qui ne sera plus nationale, mais personnelle.

En 1841, quand le général Harrison fut nommé président des États-Unis, il signala, dans son discours d’inauguration, la rééligibilité du président comme un des vices de la constitution ; il y voyait un détestable germe d’ambition personnelle, une cause de corruption, une facilité donnée au serviteur de devenir le maître, et il ajoutait que, quant à lui, il croyait devoir donner l’exemple, et que certainement il ne se représenterait pas. Depuis lors, on ne voit pas de président qui ait été renommé.

Dans la constitution réformée du Sud, on est revenu à la première idée de la convention ; on a décidé que le président serait nommé pour six ans, et ne pourrait être réélu. Aujourd’hui, dans le Nord, il est possible que M. Lincoln soit réélu ; cela tient à ce qu’on est au milieu d’une guerre civile, et qu’on se demande s’il n’y aurait pas intérêt à conserver un gouvernement dont on connaît le fort et le faible, au lieu de se lancer dans l’inconnu. Mais l’opinion des gens sensés, en Amérique, est qu’on doit revenir à cette idée de la non-rééligibilité du président[1].

Je crois, en effet, que ce serait un progrès. Il faut, je le répète, que le président n’ait rien à craindre ni rien à espérer. Éviter la tentation est toujours sage dans

  1. La réélection de M. Lincoln a eu sa raison d’être dans la gravité des circonstances. On a réélu M. Lincoln pour affirmer de nouveau l’unité nationale qu’il représente depuis quatre ans. Mais on peut croire que cette réélection ne fera pas un précédent.