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saient ; mais à l’époque où Washington devait sortir du pouvoir, on sentit de toutes parts une telle nécessité de le conserver que ce fut Jefferson lui-même qui écrivit au général pour lui dire que, dans l’intérêt de la liberté et de la République, il devait accepter une réélection. Washington se résigna par patriotisme ; mais au bout de huit ans il ne voulut plus, à aucun prix, être renommé. Son exemple est devenu pour l’Amérique un précédent, quelque chose de sacré et de plus puissant que la loi. Il n’y a aucune disposition dans la constitution qui empêche un président d’être élu une troisième fois, mais jamais président n’a osé se présenter une troisième fois, trop sûr que le peuple américain n’a pas oublié l’exemple que Washington lui a légué. Cette espèce d’incapacité fait donc partie de la constitution, car dans la constitution américaine, comme dans la constitution anglaise, il y a une partie qui n’est pas écrite, mais qui n’est pas la moins bien observée.

L’opinion de Jefferson a même fait du progrès dans les esprits ; on est revenu à cette idée, que si un peuple veut être bien gouverné, il est à désirer que les magistrats qui sont à la tête des affaires soient sans espoir et sans crainte[1], et qu’ils sachent que s’ils sont les chefs de la nation, c’est pour un temps donné ; il ne faut pas qu’il puisse s’introduire dans le gouvernement un élément qui n’est pas l’intérêt public. Car si on laisse au magistrat politique le droit de se faire renommer, au

  1. Story, § 1439, 1449.