Page:Laboulaye - Histoire politique des États-Unis, tome 3.djvu/421

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

omnipotence législative, elle n’existe qu’à l’état théorique. Cette omnipotence existe en France, et malheureusement à l’état de fait ; elle y a existé dès les premiers jours de 1789, d’autant plus qu’on était en pleine révolution, et que l’Assemblée constituante croyait franchement qu’elle était le peuple français.

On s’effraya de cette toute-puissance quand on fut au moment de la perdre, et l’Assemblée constituante elle-même pensa qu’il fallait lier des successeurs qui n’acceptent jamais l’héritage que sous bénéfice d’inventaire ; on fit donc ces déclarations de droits qui sont restées célèbres. Nous les respectons ; c’est trop peu dire, nous les adorons, nous ne les discutons pas. On eut donc les principes de 89, qui sont des vérités excellentes, l’énumération de toutes les libertés que la France a aimées et qu’elle aime encore. On décida que devant ces principes le pouvoir législatif devait s’arrêter, que c’étaient des droits supérieurs et inviolables. Malheureusement ces droits sont toujours restés comme une lettre morte en tête de nos constitutions, si bien qu’on s’est demandé s’il ne valait pas mieux supprimer le magnifique frontispice qui annonce dans le temple un Dieu qu’on n’y trouve jamais.

Il n’en était pas de même en Amérique.

Les Américains étaient habitués à ces précédents qui garantissent certaines libertés contre l’envahissement du pouvoir législatif. Seulement, tandis que l’Angleterre se reposait sur ses traditions, les Américains inscrivirent ces droits dans leur constitution, et les mirent sous la garde du pouvoir judiciaire ; c’est ce que