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du gouvernement et du peuple, et qui cependant est populaire. Ce corps peu nombreux, composé de la véritable aristocratie, l’aristocratie des hommes capables, est permanent en apparence, tout en se modifiant comme se modifient toutes choses vivantes, peu à peu, insensiblement ; il offre toutes les garanties de sagesse, d’expérience qu’on peut désirer dans une démocratie. Je n’hésite pas à le dire, c’est grâce à cette institution que la république américaine a prospéré ; c’est parce qu’il y avait au sommet de cette démocratie un corps, composé des hommes les plus remarquables de l’Amérique, gardien des grands intérêts du pays contre l’entraînement des passions populaires, que cette démocratie a pu se développer sans danger.

Combien de fois le Sénat n’a-t-il pas éteint les premiers feux de la guerre civile ! La discorde entre le Nord et le Sud a été deux fois étouffée par M. Clay. C’est là, c’est dans le Sénat qu’est l’élément de durée. Il est pour ainsi dire les os et la charpente du corps politique. Or cet élément a toujours manqué dans les démocraties. À Rome, c’est le jour où le sénat a faibli que la démocratie est devenue prépondérante, et qu’elle a été se perdre entre les bras des Césars. Dans notre révolution, ce qui a manqué, ce n’est pas le patriotisme, le dévouement, c’est un élément de stabilité. La royauté décrépite n’inspirant plus de confiance, l’assemblée étant poussée par les passions du dehors, on est arrivé de suite à l’anarchie. De même, en 1848, pourquoi la république a-t-elle sombré ? Parce qu’elle manquait de stabilité, quoique rien ne fût plus facile alors que de