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dressaient la liste du sénat. Mais le choix n’était rien moins qu’arbitraire. C’étaient les magistrats nommés par le peuple durant ces cinq années qui venaient prendre place au sénat, après y avoir déjà siégé durant leurs magistratures, si bien que le sénat était populaire dans ses racines, puisqu’il n’y avait pas un magistrat nommé par le peuple, depuis le rang de questeur, qui ne devînt sénateur. Le sénat absorbait donc tout ce qu’il y avait de vivant à Rome. Quiconque avait été mêlé aux grandes affaires devenait sénateur, ce qui nous explique à la fois comment cette assemblée avait sur le peuple une autorité sans pareille, et comment on n’y voyait que des hommes d’État.

En Angleterre, c’est la même chose, avec cette différence que c’est la sagesse des hommes qui, dans ce pays, fait la bonté du système. En Angleterre, c’est un usage constant de ne pas laisser s’élever un homme supérieur dans la Chambre des communes, sans qu’il ne soit absorbé, tôt ou tard, par la Chambre des lords. C’est pour cela que les Anglais voient avec une tranquillité parfaite les hommes qui grandissent dans l’opinion. Leur popularité n’est jamais un danger. Il n’est pas de conservateur qui ne dise : « Un jour ce fougueux tribun sera des nôtres ; » et il faut avouer que la séduction est forte, et que des hommes de talent, comme lord Brougham et bien d’autres, vont se reposer volontiers dans la Chambre des lords. Depuis un siècle, la très-grande majorité de la Chambre des lords est composée d’hommes nouveaux. Ce qui nous fait illusion, c’est qu’en Angleterre on prend des noms de pairies.