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légitimes : l’intérêt provincial et municipal par exemple, l’industrie, la navigation, l’art, la science, les lettres, enfin des intérêts très-divers qui peuvent n’être pas représentés par l’assemblée nommée par le suffrage universel, c’est-à-dire par le nombre. Si vous donnez à ces intérêts une représentation, cette seconde chambre sera-t-elle dangereuse ? Non. Elle représentera autre chose que le nombre, mais non quelque chose d’hostile à la liberté ; vous aurez donné aux intérêts la sécurité dont ils ont besoin, vous aurez une discussion véritable et des points de vue différents. Ainsi, je suppose qu’on donne à la France un sénat composé de sénateurs nommés par chaque département, puis de quelques sénateurs représentant les grands corps de l’État, l’industrie, les lettres, les sciences, les arts, vous aurez là cent vingt ou cent trente sénateurs qui seront la personnification des intérêts vivants du pays. Seront-ils moins populaires que les députés nommés par un arrondissement électoral ? Je crois qu’ils le seront davantage, car ils auront dans le pays une racine plus profonde, ils représenteront ce qu’il y a de plus vivace au monde. D’un autre côté, il est évident que cette assemblée verra les choses d’un autre point de vue que la chambre nommée par la masse des électeurs : elle obligera le pays à réfléchir et à se faire une opinion sur certaines questions qu’une chambre ordinaire laisse dans l’ombre, parce que la passion politique n’y est point en jeu. Ce sera pour le pays un avantage immense. Il y aurait là un élément modérateur, le contre-poids des passions du moment.