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En France, lorsque nous constituons une représentation nationale, nous ne voyons que le nombre. Il nous semble que l’égalité arithmétique est de l’essence de la démocratie et de la liberté. Que si la nécessité exige qu’il y ait deux Chambres, nous croyons faire beaucoup en les faisant nommer par les mêmes électeurs et en leur donnant à chacune une salle séparée. C’est ce que fit la Constitution de l’an III. On crut avoir pris des précautions énormes en exigeant que les Anciens eussent quarante ans et fussent mariés ou veufs, la loi n’ayant pas confiance dans les vieux célibataires. En d’autres pays, on demande que les électeurs payent un cens plus considérable ; mais tout cela est insuffisant. Dédoubler la représentation, ce n’est pas lui donner cette pondération, cette variété nécessaire au maintien de la liberté. Deux chambres nommées par les mêmes électeurs, sous le coup de la même passion, pourront se disputer la faveur populaire, être jalouses l’une de l’autre ; cette jalousie pourra être pour le pouvoir exécutif un bon moyen d’imposer sa prépondérance ; mais qu’est-ce que le pays y gagnera ? Tout au plus une certaine garantie pour la bonne confection des lois par la double discussion ; ce n’est pas assez. Et d’un autre côté, en établissant des conditions de cens, on risque de rendre le Sénat impopulaire. Rendre le Sénat impopulaire, ce n’est pas une solution.

Où est-elle ? Où les Américains l’ont mise. Si vous ne voulez représenter que le nombre, vous aurez toujours un gouvernement mal constitué. Chez un peuple, il y a autre chose que le nombre. Il y a de grands intérêts