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Je crois que l’empereur, en 1815, était de bonne foi. Quand on lui parlait des attaques que la presse, devenue libre, dirigeait contre lui : « Quand j’étais à l’île d’Elbe, répondait-il, ils m’en ont dit bien d’autres ! » Ce qu’il eût fait plus tard est un secret que Dieu seul peut connaître ; ce qu’il a fait alors était bien ; il voulait donner à la nation une constitution libérale, et s’adressa à l’homme de l’esprit le plus libéral qui fût alors, à Benjamin Constant. Imbu des idées anglaises, Benjamin Constant voulait une pairie héréditaire. L’empereur lui dit : « Cela est absurde en France. Je conçois cela en Angleterre ; là ce sont les nobles qui ont donné la liberté au peuple, ils sont nés avec la constitution ; détruire la pairie en Angleterre, ce serait couper un membre à la nation ; mais moi, voyez les fortunes qui m’entourent ! Les anciennes fortunes sont ennemies ; les nouvelles fortunes, il y en a beaucoup qui sont odieuses ! Qu’est-ce que j’ai autour de moi ? des soldats et des chambellans ; c’est là que j’irais prendre mes champignons de pairs. On verra dans ma pairie un camp ou une antichambre. » On insista, il céda ; mais, dans cette occasion, c’était Napoléon qui avait raison contre Benjamin Constant.

En 1830, on reprit la charte de 1814 avec quelques corrections ; on fit une constitution qui, à tout prendre, est la plus libérale que nous ayons eue en France, puisqu’elle a permis pour la première fois au gouvernement de vivre sans lois d’exception et sans étouffer la presse. Elle avait ses défauts, qui tenaient plus à des dispositions de détail qu’au fond même des choses ; mais il y avait toujours cette erreur de la chambre des