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Je vous ai déjà signalé le sophisme qui a trompé nos législateurs et nos politiques. En France, nous avons toujours confondu la nation et la représentation nationale. La nation est souveraine, donc ses représentants doivent être souverains : voilà quelle est la théorie française. C’est un raisonnement qui donne un démenti à la raison. Les représentants sont des mandataires ; les mandataires doivent dépendre de leurs commettants : voilà ce que dit l’expérience et le bon sens. Si vous chargiez un architecte de vous bâtir une maison, et qu’il bâtît une maison à son goût et non pas au vôtre, sous prétexte qu’il est votre mandataire, vous trouveriez la plaisanterie un peu forte ; néanmoins c’est ce qu’ont fait toutes nos assemblées uniques ; elles ont bâti la maison pour elles-mêmes, et non pour le pays.

Il faut donc diviser le pouvoir législatif, dans l’intérêt de la démocratie aussi bien que dans l’intérêt de la liberté, afin que ce pouvoir soit toujours responsable devant le pays et qu’il reste dans la main des électeurs.

Ce n’est pas seulement contre l’usurpation et la tyrannie du pouvoir législatif qu’il est bon de s’assurer, il faut aussi se garantir de ses faiblesses et de ses entraînements. Rien de plus instable qu’une assemblée unique et qui se renouvelle souvent. Le changement des hommes amène le changement des opinions et la perpétuelle mutation des lois. Une assemblée unique a toujours la fièvre et la donne au pays. Voyez la Convention et toutes les assemblées uniques que nous avons eues ; c’est une agitation sans fin. Le temps, cet élément nécessaire de toute chose durable, est supprimé ;