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peuple ; elle a puissamment aidé à l’établissement et au maintien de la liberté. Ces grands services l’ont rendue populaire, tandis que chez nous la noblesse, presque toujours liguée avec les rois contre le peuple, n’a été qu’une caste de privilégiés. Les nobles ont généreusement prodigué leur vie sur les champs de bataille ; mais, dans la vie civile, ils n’ont guère défendu que leurs intérêts ; ils ont été des courtisans et non pas des citoyens.

En Amérique le Sénat est populaire, cependant l’Amérique est une démocratie, je dirai même une démocratie beaucoup plus complète que la nôtre ; car, si la véritable démocratie est celle où les citoyens prennent le gouvernement à leur charge et font eux-mêmes leurs affaires, nous ne pouvons affronter la comparaison. Il y a donc dans une seconde chambre autre chose que le privilège. Les Américains, tout aussi amoureux que nous de l’égalité et de la liberté, ont vu dans un sénat le modérateur nécessaire de la démocratie, le moyen non pas d’affaiblir la souveraineté populaire, mais de la fortifier. Nous avons échoué en cherchant cette garantie dans une seule chambre, les Américains ont réussi en en ayant deux ; leur solution vaut donc la peine d’être étudiée.

En tout pays libre, une seconde chambre est nécessaire. Pourquoi ? nous l’avons déjà dit. Une chambre unique est un pouvoir sans limites, un pouvoir sans limites est un despotisme. C’est en général un pouvoir anarchique et mobile, c’est toujours un pouvoir qui ne s’inspire que de lui-même, et qui subordonne à ses intérêts les intérêts du pays.