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revenait à la vie, il ne comprendrait rien à nos idées sur la religion, sur l’égalité, sur la propriété. Au seizième siècle, l’Église romaine était dominante le pays était partagé en trois États, l’industrie n’existait pas : voilà des choses dont il faut tenir compte. Ce sont là toutes choses finies, limitées qu’il faut calculer, peser, compter. On dira : C’est bien difficile ; oui, sans doute, il est bien plus facile de faire une révolution !

Quand on est jeune, on dit : Les vieilles gens nous parlent toujours d’expérience, nous avons une hardiesse d’esprit qu’ils n’ont pas. Non, les vieillards n’ont pas cette hardiesse d’esprit, parce qu’ils ont vécu. Les jeunes gens ont souvent raison contre les vieillards par le côté du sentiment, parce que la vieillesse devient égoïste ; mais les vieillards ont souvent raison contre les jeunes gens par le côté de l’expérience, et c’est pour cela qu’en politique il faut prendre leçon du passé. Il ne faut pas croire qu’on abaisse ainsi la science ; au contraire, on l’élève, car on la met dans les seules conditions où elle puisse atteindre à la vérité. Savez-vous quel est l’intérêt de cette réforme ? C’est la liberté qui est en jeu. Comme la pensée humaine, abandonnée à elle-même, va forcément à l’absolu, toutes les fois que vous faites de la politique avec des abstractions, vous établissez le despotisme.

En écrivant le Contrat social, Rousseau croit établir le règne de la démocratie ; il aboutit au despotisme. Pourquoi ? c’est qu’il fait passer dans son système l’absolu de sa pensée. Quand, au contraire, vous vous occupez des hommes et des intérêts, c’est-à-dire d’une