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imprimé dans notre âme. Les choses finies ne contentent pas notre esprit ; il ne peut pas s’y borner. Nous ne pouvons comprendre la fin de l’espace, les limites du temps ; nous allons toujours à l’infini et à l’absolu. Quand, au contraire, nous sortons de notre pensée et que nous descendons dans le monde, là nous trouvons tout autre chose. Tout est fini, tout est limité. Nos sens s’arrêtent à un certain point ; il y a des bornes partout. Ainsi notre esprit ne peut comprendre l’indivisibilité de la matière, notre pensée partagera toujours en deux la parcelle qui échappe à nos yeux. Le chimiste, au contraire, n’a aucun embarras à dire : Voici l’atome chimique ; au delà de cette division la substance n’existe plus pour nos sens. Voilà donc d’un côté l’esprit qui va à l’absolu, et de l’autre côté voilà l’observation, l’étude de la nature qui ne nous montre que des choses relatives, finies. Il en devait être ainsi pour que notre esprit pût comprendre toutes choses. Il fallait que la balance fût ainsi faite qu’elle pût tout peser. Notre esprit est donc un instrument d’une finesse admirable, mais un instrument qui n’a de valeur qu’autant qu’il s’applique aux choses. Une balance ne se pèse point elle-même ; elle pèse les objets qu’on met en ses plateaux. Cette nécessité où nous sommes de prendre pour sujet de nos observations le monde extérieur est aujourd’hui le premier axiome des sciences naturelles, c’est ce qui fait leur certitude et leur grandeur ; mais c’est encore une nouveauté pour certaines sciences, la révolution n’est pas faite en politique. Au moyen âge la scolastique réduisait tout au syllogisme, suppo-