Page:Laboulaye - Histoire politique des États-Unis, tome 3.djvu/355

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

France, pour remuer une masse d’électeurs, il faut une dépense considérable, et il en résulte trop souvent que ce n’est même plus la majorité du pays qui est représentée, mais une minorité remuante. Au contraire, que chaque électeur sache que son vote comptera et que du fond de sa province, s’il a des sympathies pour quelqu’un qui se présente à Paris, il peut l’aider de sa voix, il donnera son vote, et la chambre ainsi nommée représentera sincèrement le pays, car elle représentera non la majorité du hasard qui vote dans un collège, mais, ce qui est autrement considérable, elle représentera le vœu et l’opinion de la France entière.

Voilà le système de M. Hare ; il me paraît juste, tandis que, dans les autres systèmes, nous sommes dans le faux. On aura beau multiplier les suffrages, on n’améliorera pas la représentation nationale tant qu’on ne fera point la part des minorités ; tout ce qu’on obtiendra, ce sera de donner plus de violence aux partis.

M. Mill attend un autre avantage de cette reconnaissance du droit des minorités : c’est d’élever le niveau intellectuel de la chambre, et d’y faire arriver les hommes les plus distingués. Croire que le suffrage universel amènera de soi les meilleurs choix possibles, c’est une illusion ; le suffrage universel est une masse énorme que la passion seule met en jeu ; les hommes les plus capables ne sont pas toujours les plus populaires, et il s’en faut de beaucoup que la multiplication des suffrages amène nécessairement des choix plus éclairés.

La première expérience en a été faite en Angleterre à la réforme de 1832.