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ples ; il ne demande pas des privilèges personnels, mais il veut que le patron, que le père de famille aient plus de voix que celui qui n’est ni patron ni père de famille ; que l’homme gradué dans les universités ait plus de voix que celui qui ne l’est pas. À ces conditions, on sera dans le vrai ; autrement, on est dans le faux, et toute erreur en politique se traduit par une souffrance dans la société.

Ces idées-là nous paraissent étranges ; mais le mérite de M. Mill, c’est que les idées très-hardies qu’il émet sont presque toujours acceptées à la réflexion.

Sur un autre point, un autre Anglais, M. Thomas Hare, a soulevé une question dont personne ne s’inquiète en France, mais qui a attiré l’attention en Angleterre et même en très-haut lieu. Lord John Russel s’en est préoccupé dans son dernier projet de réforme. Cette question est celle-ci : Quelle part, dans un gouvernement représentatif, faut-il faire aux minorités ?

M. Mill a complètement adopté les idées de M. Hare, et il y a aujourd’hui toute une école qui les soutient. C’est donc une question qui passera bientôt sur le continent ; c’est une de celles qui intéressent le plus la sincérité du gouvernement représentatif et l’avenir de la démocratie. Posons bien le problème avant de l’examiner.

Dans toute société il y a des intérêts différents. Prenons un de ces grands intérêts, la religion. Mettons qu’en France les catholiques actifs, zélés, politiques même, si vous voulez, représentent les deux cinquièmes de la nation.