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Puisque nous sommes à examiner cette question, et que je vous ai parlé de M. Stuart Mill, je terminerai cette leçon en vous communiquant ses idées sur le suffrage universel. Il a examiné la question avec un calme qui ne peut appartenir à ceux qui vivent dans le milieu démocratique, et dont on peut accuser les intentions. M. Stuart Mill vit en Angleterre, dans un pays d’où l’on peut voir tranquillement les avantages ou les abus de notre système ; c’est du fond de son cabinet qu’il juge nos lois, la passion ne le trouble pas.

M. Stuart Mill, je l’ai déjà dit, n’appartient pas à l’école du droit naturel, il est de l’école de Bentham ; il ne reconnaît que des hommes arrangeant leurs affaires le mieux possible, en vue de l’intérêt général ou de l’utilité commune ; mais il lui semble que, dans l’état actuel des sociétés civilisées, il est bon d’admettre au suffrage quiconque a intérêt au vote des lois.

C’est le payement de l’impôt qui constitue pour lui la première condition de capacité électorale. En ce point, il est d’ailleurs d’une largeur extrême et arrive presque au suffrage universel. L’intérêt d’être bien gouverné, dit-il, est le même pour le riche que pour le pauvre. M. Mill veut donc que tout homme qui paye l’impôt soit admis au suffrage ; il en exclut uniquement quiconque vit de la charité publique ou sert dans l’armée. Dans le premier cas il y a défaut d’intérêt, dans le second il y a défaut d’indépendance. L’impôt est donc pour M. Mill la pierre de touche du droit électoral ; mais comme M. Mill est non-seulement un politique très-fin, mais aussi un économiste très-habile ;