Page:Laboulaye - Histoire politique des États-Unis, tome 3.djvu/344

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

sans qu’on ait rendu justice aux femmes, sans que le sexe, aussi bien que la peau, ait cessé d’être une raison suffisante pour dépouiller personne de son droit de citoyen.

En se prononçant pour le vote des femmes, M. Mill n’y voit point un droit naturel. Il appartient à l’école utilitaire qui ne reconnaît point de droits naturels. Pour lui le droit des femmes n’est qu’un intérêt arrivé à maturité et qui mérite d’être représenté dans l’État.

À l’époque de la Révolution, certains logiciens du droit naturel furent très-embarrassés du vote des femmes ; mais Condorcet n’hésita pas à se prononcer pour l’admission des femmes à l’égalité politique. Il a écrit là-dessus des pages curieuses.

Je n’entends pas vous convertir aux doctrines de Condorcet ou de Mill. J’ai voulu seulement vous montrer que, quand on part du droit naturel, quand on veut voir dans l’électorat autre chose qu’une fonction, on doit arriver nécessairement à donner le vote aux femmes. Si, au contraire, on considère l’électorat comme une fonction, alors je comprends qu’on puisse en exclure les femmes comme on les a exclues d’autres fonctions publiques ; mais on peut alors en exclure bien d’autres personnes, car ce n’est plus une question de droit, mais de convenances.

Dans ce nouveau système, qui est au fond celui que nos législateurs révolutionnaires ont suivi, tout en se défendant de le suivre, on considère le gouvernement comme une espèce de grande société par actions, où il est juste de donner à chaque intéressé une part, mais