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moins désirable ou moins juste, pourvu qu’ils n’en mésusent point.

« Personne ne prétend que les femmes feront nécessairement un mauvais usage de leur vote. Le pis, dit-on, c’est qu’elles voteraient aveuglément sous l’influence des hommes. Soit. Si elles se décident par elles-mêmes, c’est un grand bien ; si elles ne le font pas, il n’y a point de mal. Il est toujours bon d’ôter à un captif les fers aux pieds, alors même qu’il ne désire pas marcher. Ce serait déjà une grande amélioration si, dans la situation morale de la femme, la loi ne la déclarait plus incapable d’avoir une opinion et un sentiment sur les grands intérêts de l’humanité… Ce ne serait pas une petite chose que le mari fût obligé de discuter avec sa femme, et que son vote, au lieu d’être une chose qui n’intéresse que lui, devînt un intérêt commun. La femme y gagnerait en respect, le vote du mari y gagnerait en qualité…

« Aujourd’hui l’influence de la femme s’exerce dans l’intérêt personnel de la famille, ou dans un intérêt de vanité. Étrangère à la politique, sans responsabilité, sans point d’honneur, elle ne voit que l’intérêt des siens, elle trouble la conscience de son mari. Donnez-lui un vote, vous lui donnez un point d’honneur. Son influence indirecte est souvent mauvaise, son action directe sera bonne. »

M. Mill ajoute que, dans un pays où la femme peut être propriétaire, où le cens fait le droit, c’est un manque de logique complet de déclarer qu’elle ne peut pas voter, que ce manque de logique est encore plus étrange dans un pays qui a une reine et où le plus grand souverain a été une femme, la reine Elisabeth. Et il ajoute avec enthousiasme que la vérité fera son chemin dans tous les esprits que n’aveugle pas l’égoïsme ou le préjugé, et qu’une génération ne s’écoulera point