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plus par la voie de l’impôt que par une autre, il faut que j’aie des représentants qui votent pour moi l’impôt ; il faut aussi que la presse soit libre et que je puisse défendre ma chose et ma personne. Par exemple, si la liberté de la presse existait en Pologne, il est évident qu’on n’arracherait pas des mères à leurs enfants, des femmes à leurs maris, sans que ces atrocités fussent connues, sans que l’indignation universelle fît justice de la férocité de la Russie. Voilà donc la liberté de la presse, le vote de l’impôt et bien d’autres droits qui sortent de la simple reconnaissance de la liberté personnelle. Que deviennent alors toutes ces grandes phrases qui condamnent le monde à l’immobilité, ou qui, du moins, en chassent la justice et la raison ?

Seulement, comme toutes les fois qu’un homme aussi fin que M. de Maistre touche à une question, il doit s’aider de quelque vérité démesurément grossie, de Maistre montre très-bien qu’on ne peut constituer une société comme on constitue un gouvernement. Sur ce point, sa critique est vive et juste. « Les constitutions modernes, disait-il, sont faites pour l’homme. Or, il n’y a pas d’homme dans le monde ; j’y vois des Anglais, des Français, des Hollandais. Je sais même, grâce à Montesquieu, qu’on peut être Persan. Mais quant à l’homme, je ne l’ai jamais vu ; s’il existe quelque part, c’est bien à mon insu. Une constitution comme celle de l’an III, avec cinq directeurs et deux conseils, on peut la présenter partout, même en Chine ; mais une constitution faite pour tout le monde n’est faite pour personne, c’est une chimère, et rien de plus. »