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sincère ; mais, si en France on ne se payait pas de mots, qu’y aurait-on vu autre chose qu’un soufflet donné à la liberté ? M. Dupin déclara que la division en deux chambres n’était qu’un dualisme qui vivait de réminiscences et de rivalités ; que la division des pouvoirs était un très-grand principe, mais que la division du Corps législatif n’avait rien de commun avec la division des pouvoirs, que c’était seulement la séparation en deux, le morcellement du même pouvoir. C’était ne pas voir ce qui crève les yeux : qu’en mettant en présence un pouvoir exécutif et un pouvoir législatif que rien ne tempérait, parce qu’ils étaient absolument séparés, on les jetait l’un sur l’autre comme deux locomotives qu’on mettrait sur la même voie, en face l’une de l’autre, en déclarant qu’elles ne se heurteront pas. On voulut en 1848 braver l’expérience, et l’expérience s’est encore une fois vengée en rouvrant l’abîme où les révolutionnaires ont tant de fois jeté la France et la liberté.

Voilà ce que j’avais à dire sur les deux chambres, et, en même temps, je crois vous avoir montré combien la science politique a fait de progrès appréciables, et comment elle possède aujourd’hui un certain nombre de vérités que l’antiquité n’a pas connues, que la révolution française n’a pas comprises. La division des deux chambres est une de ces vérités. Permis à un législateur ignorant de la méconnaître ; mais par cela même son œuvre est condamnée. On peut, au lieu d’appeler le médecin, s’adresser au charlatan qui tue le malade : rien ne peut empêcher un homme ni un peuple de se perdre, quand il s’entête dans l’erreur ; mais cette perte