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tieux, l’audace de quelques scélérats, l’éloquence de quelques orateurs, cette fausse opinion publique dont il est si aisé de s’investir, peuvent y exciter des mouvements que rien n’arrête, occasionner une précipitation qui ne rencontre aucun frein, et produire des décrets qui peuvent faire perdre au peuple son honneur et sa liberté si on les maintient, et à la représentation nationale sa force et sa considération si on les rapporte ?

« Dans une seule assemblée, la tyrannie ne rencontre d’opposition que dans ses premiers pas. Si une circonstance imprévue, un enthousiasme, un égarement populaire lui font franchir un premier obstacle, elle n’en rencontre plus. Elle s’arme de toute la force des représentants de la nation contre elle-même ; elle établit sur une base unique et solide le trône de la terreur, et les hommes les plus vertueux ne tardent pas à être forcés de paraître sanctionner ses crimes, de laisser couler des fleuves de sang, avant de parvenir à faire une heureuse conjuration qui puisse renverser le tyran et rétablir la liberté[1] »

Depuis la Constitution de l’an III jusqu’en 1848, la division du Corps législatif en deux chambres ne fut jamais mise en question. Quand des hommes ont passé par une épreuve aussi rude que celle de la révolution, ils sont sages ; mais, par malheur, ils ne transmettent à leurs enfants ni leur sagesse, ni leur expérience. C’est là où est la nécessité de l’étude de l’histoire ; c’est elle qui peut faire que ce qui a coûté si cher aux pères profite aux enfants. En 1848, on vivait sous le coup de ces histoires célèbres qui nous ont représenté la révolution comme le chef-d’œuvre du patriotisme et de la

  1. Rapport, p. 89.