Page:Laboulaye - Histoire politique des États-Unis, tome 3.djvu/326

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

faire une constitution nouvelle. Le soin de rédiger cette constitution fut remis aux hommes les plus sages que la France ait eus pendant la révolution ; des hommes qui avaient traversé les orages révolutionnaires, et qui avaient les mains pures de sang, Daunou, Boissy d’Anglas, noms que la France libérale ne doit jamais oublier. Ils rédigèrent la Constitution de l’an III, ce fut Boissy d’Anglas qui en fut le rapporteur. On proposa immédiatement de faire deux chambres ; on savait, comme le disait Boissy d’Anglas, qu’un système qui « soumettait un ministère anarchique par son nombre et la fixation de ses pouvoirs à l’autorité arbitraire d’une seule assemblée, livrée elle-même à tous les orages des jacobins et de la commune, ne peut servir qu’à légaliser l’empire du brigandage et de la terreur[1]. »

Ce rapport de Boissy d’Anglas est très-curieux comme expression des sentiments de cette époque. Vous verrez comment on jugeait devant la Convention elle-même ce passé récent, et comment on attribuait tous les désordres de la Révolution, tous les malheurs de la France à l’arbitraire d’une assemblée unique.

« Je m’arrêterai peu de temps, disait Boissy d’Anglas, à vous retracer les dangers inséparables de l’existence d’une seule assemblée ; j’ai pour moi votre propre histoire et le sentiment de vos consciences. Qui mieux que vous pourrait nous dire quelle peut être dans une seule assemblée l’influence d’un individu ; comment les passions qui peuvent s’y introduire, les divisions qui peuvent y naître, l’intrigue de quelques fac-

  1. Rapport de Boissy d’Anglas, p. 19.