Page:Laboulaye - Histoire politique des États-Unis, tome 3.djvu/325

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ticulier, élu d’entre les citoyens pour exprimer leur volonté supposée. Or, plus on multiplie les moyens d’épurer ces volontés individuelles, plus on donne de force à leur résultat, plus on présente de garantie et d’assurance à la foi publique, plus on affermit la conscience et la sécurité des citoyens. Et si les députés se sont écartés de la volonté générale, s’ils ont été séduits par leurs passions ou corrompus par leur intérêt particulier, qui pourra rectifier leur jugement, nous défendre de leurs erreurs, et mettre un frein à leur volonté partielle, séduite ou égarée, qui ne sera soumise qu’à ses propres règles ?

« On ne sait pas assez combien cette funeste fécondité législative, qui nous désole depuis trois années, et la vanité qui la nourrit encore, et la légèreté française qui la favorise, et la molle indolence du peuple le plus irréfléchi, le plus volage, le plus malléable de l’Europe entière, tiennent particulièrement à l’unité des corps législatifs qui ont gouverné sa mobile existence. Je ne dis rien de l’ambition de tout détruire, de s’emparer de tout, et par conséquent de bouleverser tout à chaque rénovation des législatures, ambition qui naît nécessairement d’un grand pouvoir unique qui n’est balancé par aucun autre, ou qui, soutenu par l’opinion populaire, fait un poids immense dans la balance et ne souffre pas d’équilibre. Nos malheurs nous seront-ils donc toujours inutiles ? Ne serons-nous jamais sages du passé ?…

« En suivant les bases isolées sur lesquelles reposent toutes les idées connues de Saint-Just, de Robespierre et de Barrère, je n’aperçois que le funeste avantage d’avoir en France chaque année une révolution nouvelle, jusqu’à ce que le peuple, las de sa misère et de l’anarchie, retombe enfin, entraîné par son propre poids, dans le plus absolu despotisme. »

Vous voyez ce qu’écrivait Buzot sans se faire illusion sur les causes qui avaient amené sa perte. Quelques mois après, arrivait le 9 thermidor ; la Convention voulut