Page:Laboulaye - Histoire politique des États-Unis, tome 3.djvu/322

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

raison décisive, je l’ai déjà signalée plus haut et je n’insiste pas.

La lettre de Turgot au docteur Price excita une certaine émotion en Amérique. Un homme qui avait joué un rôle dans la révolution, John Adams, se chargea d’y répondre. Il publia, en 1787, un volume intitulé : Défense des constitutions des États-Unis, qu’on peut lire avec profit. Il y a peut-être un trop grand luxe d’autorités anciennes et modernes, mais on y trouve en abondance de judicieuses réflexions.

Sa conclusion me semble d’une force extrême :

« Toutes les nations, sous tous les gouvernements, ont et doivent avoir des partis politiques. Le grand secret est de les contrôler l’un par l’autre. Pour cela il n’y a que deux moyens, une monarchie soutenue d’une armée permanente, ou une division de pouvoirs et un équilibre dans la constitution. Là où le peuple a une voix et où il n’y a pas d’équilibre, il y aura des fluctuations perpétuelles, des révolutions et des horreurs, jusqu’à ce qu’une armée permanente, avec un général à sa tête, impose la paix, ou jusqu’à ce que la nécessité d’un équilibre soit vue de tous et acceptée de tous. »

Toute notre histoire de 1789 à 1814 est dans ces lignes d’un homme qui n’était point un prophète, mais le simple disciple de l’expérience et du bon sens.

En 1789, lorsque la France fut appelée à se donner une constitution, la division du pouvoir législatif fut repoussée, non par les raisons de Turgot, mais par crainte de la noblesse. On sentait que, si l’on faisait deux chambres, il fallait composer la chambre haute de la noblesse et du clergé ; le tiers état se croyait assez fort