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filles se partageaient un gâteau, l’une faisant les parts, l’autre choisissant. Et, dit Harrington, avec une assemblée unique, c’est celui qui partage qui choisit ; il prend toujours la grosse part pour lui. De son observation, Harrington tire donc cette conséquence, qu’il faut contrebalancer l’égoïsme et l’intérêt par la justice et la raison ; cela ne peut se faire que par une division. Nous ne serons jamais ni déraisonnables ni égoïstes pour le compte d’autrui.

Ainsi, éviter la précipitation, introduire la sagesse dans les délibérations, tel est l’avantage de la division du Corps législatif. On peut ajouter que deux assemblées ont ce grand mérite, qu’en discutant plusieurs fois les mêmes questions elles font l’éducation du peuple. J’ai vu sous le règne de Louis-Philippe des gens qui se plaignaient de ces retards. La loi votée à la Chambre des députés, on la discutait un mois après à la Chambre des pairs, et trop souvent on voyait défiler devant soi les mêmes arguments. Cela était gênant pour certaines impatiences, mais cela avait un grand avantage pour notre instruction, car nous sommes le peuple le plus prompt à oublier ; il faut qu’on nous répète souvent la même chose pour que nous en tirions profit.

Reste enfin un avantage qui est le plus grand de tous. La division en deux chambres est le seul moyen de faire que les députés du peuple respectent le peuple. C’est un principe constant que toutes les fois que vous donnerez un pouvoir à un homme, il en tirera tout ce qu’il pourra. Donnez à une assemblée un pouvoir illimité, soyez sûr qu’elle ne le limitera pas. Voilà, selon moi, la