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l’ombre d’une raison. Toute cette argumentation se détruit d’un mot. D’où sont-ils tombés, ces tuteurs ? du ciel ? Vous les prenez parmi ces enfants et ces fous : alors pour en arriver là, laissez-les choisir eux-mêmes leurs mandataires. Ils s’y entendent aussi bien que vous, et de plus c’est leur droit.

De Maistre dit : « Dès qu’on écrit une constitution, elle est morte. » C’est le contraire de Thomas Paine, qui prétendait qu’un peuple n’est libre que quand chaque citoyen a sa constitution dans sa poche. À ce compte, nous serions les plus libres des hommes, car nous pourrions avoir en poche plus d’une constitution.

La conclusion à laquelle de Maistre veut en arriver, c’est que les peuples sont faits pour les rois : ce sont des mineurs perpétuels. Mais, selon moi, tous ces raisonnements prouvent trop ou ne prouvent rien. Prenons, je suppose, les nègres des États du Sud. Selon de Maistre, il est impossible de leur donner une constitution écrite, puisqu’on n’écrit pas une constitution ; et il est inutile de les affranchir, parce qu’on ne donne pas la liberté à un peuple quand déjà il ne l’a pas. Une telle conclusion est insoutenable ; un chrétien reculera devant cette apologie de la barbarie. On accordera que peut-être pourrait-on leur laisser leurs femmes, ne pas leur prendre leurs enfants pour les vendre au dehors. Mais céder cela, c’est accorder une constitution, car un gouvernement a pour but principal d’assurer au citoyen la possession de sa femme, de ses enfants, et d’empêcher qu’on ne lui prenne ses biens. Maintenant, pour empêcher qu’on ne me prenne mes biens, pas