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il l’était par le suffrage universel et avec la constitution qu’il avait faite lui-même, l’empereur avait en effet raison de dire que lui seul représentait le pays, en droit comme en fait ; et c’est pour cela que son gouvernement n’était pas un gouvernement libre.

La théorie de Turgot va donc à l’abîme ; Turgot eût reculé devant les conséquences de son principe. Où est le sophisme, où est l’erreur ? L’erreur est que vous supposez toujours que la représentation nationale c’est la nation. C’est précisément avec ce sophisme que les représentants usurpent le pouvoir. Non, les représentants ne sont pas la nation, mais ses mandataires, et comme le disait Benjamin Constant : « La nation n’est libre que lorsque les députés ont un frein. »

Voyons les raisonnements dont on se sert pour justifier une assemblée unique. Nous y retrouverons toujours ce sophisme qui identifie le peuple et ses mandataires.

La nation, dit-on, est une, il faut que la représentation soit une. Je viens de répondre à cette objection qui prouve trop. On la retrouve quelquefois sous cette forme : « Une nation est comme un homme, une nation n’a pas deux volontés. Si vous avez deux chambres, elles seront ou elles ne seront pas d’accord ; dans le premier cas, il y a superfétation ; et dans le second, danger. » C’est toujours le même sophisme. Oui, il faut que la volonté de la nation soit une, sans quoi il y aurait deux lois contradictoires sur un même sujet. Mais c’est la loi qui est la volonté de la nation, et non pas la délibération des chambres qui précède la loi. Qu’il y ait une