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faut pas leur demander de fonder des empires ; on ne fonde un gouvernement que sur la justice et le droit.

À peine la Constitution de l’an III était-elle promulguée, qu’on soupçonna qu’elle ne marcherait pas ; alors parut une école par qui toute constitution fut déclarée chimérique. C’était au fond le retour au passé, le retour à l’ancienne opinion des parlementaires, l’idée qu’une constitution se fait toute seule, et que le peuple n’y peut rien. Le chef de cette école, c’était M. de Maistre, qui publia, en 1796, ses Considérations sur la France.

Joseph de Maistre était un de ces hommes d’esprit qui aiment le paradoxe et qui le défendent avec une crânerie et une fatuité qui est une grande cause de succès. Quand un audacieux de talent paraît si sûr de lui-même, on n’ose guère lui dire que ce qu’il écrit ne contient qu’un tiers ou un quart de vérité. Aussi M. de Maistre en impose-t-il facilement à son lecteur qu’il déroute ; il a une manière très-simple de résoudre les questions en déclarant que ceux qui ne sont pas de son avis sont des imbéciles. « On suppose assez souvent, dit-il, par mauvaise foi ou par inattention, que le mandataire seul peut être représentant. Tous les jours, devant les tribunaux, l’enfant, le fou et l’absent sont représentés par des hommes qui ne tiennent leur mandat que de la loi. Or le peuple réunit éminemment ces trois qualités, car il est toujours enfant, toujours fou et toujours absent. Pourquoi donc ses tuteurs ne pourraient-ils pas se passer de son mandat ? » Il y a là tout l’esprit et le dédain d’un gentilhomme de l’ancien régime ; mais je n’y vois pas