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gleterre il est d’usage de donner aux enfants des noms qui rappellent des souvenirs ; j’ai vu de charmantes demoiselles américaines qui s’appelaient Lafayette.

Morris avait reçu ce nom de Gouverneur, parce que son père avait été gouverneur de la Nouvelle-Jersey. Il était né en 1752 dans l’État de New-York, sur le manoir paternel qui s’appelait Morisiana.

Les Morris étaient une vieille famille de l’État de New-York.

De bonne heure il se destina au barreau, et nous le trouvons, en 1775, à vingt-trois ans, membre du congrès provincial de New-York. En 1778, il fut envoyé au congrès continental. Il n’y resta que deux ans, fort suspect et fort jalousé. Il y eut deux raisons pour cela : une que son historien indique, et une qu’il ne dit pas. La raison donnée est que Morris appartenait à une vieille famille de loyalistes. Toute sa famille était très-attachée à l’Angleterre. Gouverneur Morris, qui aimait beaucoup sa mère, ne craignait pas de passer les lignes anglaises pour aller la voir. Cela le compromit singulièrement auprès des patriotes. Mais il y a une autre raison qui est bien plus sensible. C’est que c’était un homme d’infiniment d’esprit, et qui, au lieu de cacher son esprit, en usait pour se moquer de tout le monde. Or, quand on montre son esprit de cette façon, on blesse deux sortes de personnes qui composent l’humanité tout entière : les gens d’esprit, qui n’aiment pas qu’on se moque d’eux, et les médiocrités, qui l’aiment encore moins. Il en résulte que Gouverneur Morris n’eut pas toute l’influence que devaient lui assurer ses talents