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l’asservir, sans que l’humanité entière n’en profite ou n’en souffre.

Les économistes ont reconnu que les richesses du voisin étaient notre propre richesse, et que la ruine de l’étranger était notre propre ruine. La crise du coton est une cruelle démonstration de cette vérité trop longtemps méconnue. Des milliers d’ouvriers en Angleterre et en France ont été victimes de la guerre civile des États-Unis. Mais cela n’est pas seulement vrai en économie politique. La liberté aussi est le profit commun. Il est impossible d’empêcher que tous les peuples ne profitent de leur expérience mutuelle, et que le profit de l’un ne soit le profit de l’autre. S’il y a un progrès de la liberté en Angleterre, ce progrès n’y peut rester confiné. L’abus supprimé en France paraîtra plus visible en Italie, et c’est ainsi que les peuples arrivent à alléger le poids de la vie, et à marcher ensemble vers un meilleur et plus grand avenir. Le bien de l’un est le bien de tous ; le mal de l’un est le mal de tous. C’est là une des grandes vérités qui ressortent de l’Évangile, et que la science moderne commence à signaler.

Voilà, je crois, ce qui m’autorise à rendre justice à un homme de mérite oublié, et injustement oublié. Avoir signalé cette vérité féconde, c’est assez pour tenir sa place dans la science et dans l’histoire. Le dernier des hommes d’État dont j’ai à vous parler nous tient de plus près, car, quoiqu’il n’eut pas de sang français dans les veines, il avait beaucoup de français dans l’esprit. C’est Gouverneur Morris. Ce nom de Gouverneur est assez bizarre, mais vous savez qu’en An-