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Qu’on mette tout cela dans un livre, je n’y vois pas d’inconvénient : ce n’est pas moi qui m’oppose à ce qu’on recommence le Télémaque ; mais le malheur, c’est qu’un jour vient où un homme croit à ces rêves et veut les réaliser ; alors on se trouve en présence d’une foi cruelle, ou d’une vanité féroce, qui veut tuer les hommes parce qu’ils ne se plient pas à ces folles imaginations. Ainsi Saint-Just, dans ce fragment de discours, dit : « Un gouvernement républicain a la vertu pour principe, sinon, la terreur. Que veulent ceux qui ne veulent ni vertu ni terreur ? La force ne fait ni raison ni droit, mais il est impossible de s’en passer pour faire respecter le droit et la raison. » Il ajoute que, s’il ne réussit pas à donner à la France des mœurs douces, énergiques, sensibles et inexorables pour la tyrannie et l’injustice, il se poignardera. Ce poignard-là prouve la bonne foi de l’homme, mais ne prouve pas que le système ne soit ce qu’il y a de plus dangereux au monde. On commence par une pastorale, on finit par des proscriptions. Aux mains de tous ces rêveurs il y a du sang.

Si je remue ce passé, ce n’est point pour réveiller de tristes souvenirs. Mais il y a là une leçon qui ne doit pas être perdue. Ces hommes, victimes d’une fausse éducation, sont des fanatiques, et qui dit fanatiques dit bourreaux et martyrs. Ceux qui ne voient que les bourreaux font de ces gens d’abominables scélérats ; ceux qui ne voient que les martyrs en font de grands hommes. De toute façon, c’est les placer trop bas ou trop haut. Que leur exemple nous serve en nous ap-