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ploits, vaincu les plus étonnantes difficultés, gagné l’admiration du monde par notre incomparable valeur, nous avons perdu, par notre faute, la réputation que nous avons acquise, notre importance nationale et notre bonheur. Ne souffrons pas que l’histoire dise à la postérité que, pour établir un gouvernement, les Américains ont manqué de sagesse et de vertu !… Saisissez l’heure présente, saisissez-la avec avidité ; si vous la laissez perdre, vous ne la retrouverez pas ! Si l’Union périt aujourd’hui, elle ne renaîtra jamais. Je crois que nos adversaires sont sincères et bien intentionnés ; mais quand je pèse les avantages de l’Union et les terribles conséquences de sa dissolution ; quand je vois le salut à ma droite et la ruine à ma gauche, quand je vois la grandeur et la prospérité nationales, assurées d’un côté, anéanties de l’autre, je ne puis hésiter : je vote pour la Constitution. »

Ce discours est remarquable, et soixante-dix ans plus tard les événements devaient en faire sentir toute la sagesse. Ce qui distingue les hommes qui ont fait la révolution de 1776 de ceux qui ont fait celle de 1861, ce n’est pas le talent, c’est le patriotisme. En 1787, on voit tous les patriotes qui se sont rassemblés à Philadelphie chercher ce qui unit, écarter ce qui divise. En 1861, les gens du Sud ne songent qu’à envenimer les passions. C’est la grande différence des deux époques ; c’est ce qui explique comment les uns ont achevé une révolution, et comment les autres ont commencé une guerre civile qui n’est pas près de finir. Voilà quels ont été les services rendus par les Randolph et les Madison. Des gens qui ont de l’esprit et qui font de beaux discours, cela se trouve dans tous les temps et dans tous les pays ; mais des politiques qui sacrifient leurs propres