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clara qu’il ne sacrifierait pas la sécurité et la liberté du citoyen au fantôme de la souveraineté locale ; que les États étaient des corps politiques, et non des souverains, puisqu’en face de l’étranger ils étaient sourds, muets, paralysés. Il ne demandait pas qu’on anéantît l’indépendance intérieure des États, mais qu’on leur ôtât tout ce qui était de la souveraineté générale. En deux mots il voulait qu’on passât d’une représentation d’États à une représentation du peuple, et d’une confédération à une nation. Comme Hamilton et ses amis, Rufus King voulait étouffer en 1787 le germe fatal d’où est sorti la révolution de 1861.

Il n’était point facile de faire admettre ces idées en Amérique. C’est pour cela qu’il est bon de signaler les patriotes qui firent accepter cette grande réforme. Il ne faut pas les juger avec nos idées françaises ; nous ne comprendrions pas ce qu’il leur fallut de volonté, de courage et d’efforts. Nous ne connaissons que l’unité ; elle est notre folie et nous en sommes justement fiers. Pour apprécier Rufus King, il faut se reporter en Amérique, ou bien il faut se demander comment on s’y prendrait si l’on voulait former une union de la France, de l’Espagne et de l’Italie ; quelle part de souveraineté il faudrait laisser à chacun de ces États. Il est évident que si on leur enlevait le droit de faire la paix et la guerre, les traités, les lois de douane, etc., ce ne seraient plus des États souverains, et que, si on le leur laissait, il n’y aurait pas d’union.

Rufus King était tellement pénétré de ce besoin d’unité, qu’il fit insérer dans la constitution une disposition