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haute idée de leur infaillibilité propre que de celle de leur secte, il en est peu qui l’expriment aussi naïvement qu’une dame française qui, dans une dispute avec sa sœur, lui disait : « Ma sœur, je ne sais comment cela se fait, mais il n’y a que moi qui ai toujours raison[1]. »

« Dans le sentiment où je suis, j’accepte cette constitution avec tous ses défauts, si elle en a, parce que je pense qu’un gouvernement général nous est nécessaire, et qu’il n’y a pas une forme de gouvernement qui ne puisse être une bénédiction pour le peuple, s’il est bien administré. Je crois, en outre, que notre gouvernement sera bien administré pendant une suite d’années, et qu’il ne pourra finir par le despotisme (comme ont fait d’autres gouvernements avant lui) que lorsque le peuple sera devenu si corrompu, qu’il aura besoin d’un gouvernement despotique, étant incapable d’en supporter un autre.

« Je doute aussi qu’avec toute autre Convention nous avions chance d’avoir une meilleure constitution. Car, lorsque vous assemblez un certain nombre d’hommes pour profiter de l’ensemble de leur sagesse, vous assemblez inévitablement avec tous ces hommes tous leurs préjugés, toutes leurs passions, toutes leurs fausses idées, tous leurs intérêts locaux, tout leur égoïsme. D’une assemblée ainsi composée peut-on attendre une œuvre parfaite ? Au contraire, je suis étonné de trouver que notre œuvre approche autant de la perfection, et je pense qu’elle étonnera nos ennemis, qui attendent avec confiance la nouvelle que nos assemblées sont tombées dans la confusion comme les constructeurs de Babel, et que nos États sont sur le point de se séparer, pour ne plus se rencontrer désormais qu’afin de se couper mutuellement la gorge.

« J’accepte donc cette constitution, parce que je n’en espère point une meilleure, et parce que je ne suis pas sûr qu’elle

  1. Franklin a pris cette anecdote dans les mémoires de madame de Staal (mademoiselle de Launay).