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engager à ne pas fonder leurs villes trop près de la mer, car alors ils en arriveraient à faire un grand commerce, et ils seraient perdus ; il ne faut donc pas qu’ils communiquent avec l’Europe, et pour cela il faut qu’ils aillent bâtir leurs cités bien loin dans l’intérieur du continent. Heureusement les Américains ont eu la bonne idée de ne pas suivre les conseils de Mably, et New-York compte aujourd’hui un million d’âmes.

Mably veut qu’on élève les enfants en commun, afin de créer des mœurs publiques ; il proscrit l’athéisme, il établit une religion civile. Ce n’est pas tout : il rêve une chose plus extraordinaire encore, c’est de régler la religion et la philosophie, afin que l’une ne dégénère pas en superstition et l’autre en impiété. C’est la loi qui sera chargée de faire ce miracle.

Quand des hommes se persuadent qu’ils peuvent tirer de leur cerveau une constitution, et qu’avec cela ils vont changer l’humanité, ils en sont quittes pour écrire des chimères ; leur système est un roman insipide, il n’y a de victime que le lecteur ; mais supposez que ces hommes deviennent les législateurs d’une grande nation, vous comprenez que ce n’est plus la raison, mais l’imagination qui gouvernera. La raison des législateurs de la révolution ressemble beaucoup à ces fameuses déesses qu’on adorait sur les autels renversés, et qui, si l’on en croit les contemporains, n’étaient pas plus sages que leurs adorateurs.

Quand on a lu Rousseau, on ne s’étonne plus de voir Robespierre proclamer L’Être suprême, une gerbe de blé à la main et un coquelicot à la boutonnière ; on