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le plus fin, le plus madré qu’on ait jamais vu en France, et il y avait rendu les plus grands services à son pays. Il était rentré en Amérique, fort souffrant de la pierre et fatigué par l’âge ; mais sans consulter ses forces, on l’avait nommé délégué de Pensylvanie à la Convention. Il y représentait le siècle passé. Il y avait là des gens comme Hamilton, né en 1757, comme Madison, né en 1751, qui devaient regarder comme un ancêtre le politique qui, en 1754, à une époque où personne ne songeait à l’Union, avait proposé cette Union au congrès d’Albany. De 1757 à 1785, Franklin avait passé la plus grande partie de sa vie en Angleterre ou en France, mais il s’était toujours trouvé en Amérique aux moments importants ; en 1776 il y avait signé la déclaration d’indépendance, et maintenant il s’y trouvait encore pour signer la constitution. C’était le bon génie de la confédération américaine ; il était toujours là dans les moments de crise pour donner du courage au plus timide et de l’esprit au plus sot.

Dans la Convention, Franklin ne pouvait prendre le premier rang. C’était un esprit très-fin qui n’avait jamais fait une affaire sans réussir ; mais ces esprits-là, si utiles qu’ils soient à eux-mêmes, à leur famille et même à leur pays, ont d’ordinaire une portée assez courte. C’est ce qui frappe quand on lit ce qu’a écrit Franklin. Tout y est fin et sage, mais d’une sagesse un peu bornée. En politique, Franklin avait apporté de France des idées empruntées à Turgot et aux philosophes du temps, et l’emprunt n’était pas heureux. Il avait apporté l’idée d’une assemblée unique, et disait que deux assem-