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« Après une épreuve trop certaine de l’impuissance du gouvernement actuel, vous êtes appelés à délibérer sur une nouvelle constitution pour les États-Unis. Énoncer ce sujet, c’est en dire l’importance. Il s’agit de l’existence de l’Union, de la sûreté et de la prospérité des États, du sort de l'Empire le plus intéressant de l’univers ; car il semble réservé à l’Amérique de décider la grande question de savoir si les hommes sont capables de se donner un bon gouvernement, par réflexion et par choix, ou s’ils sont condamnés à recevoir éternellement leur gouvernement du hasard et de la force. La crise où nous sommes est décisive pour ce problème. Si nous nous trompons, notre erreur sera fatale à tout le genre humain.

« Heureux, si notre choix est dirigé par une saine appréciation de nos intérêts véritables, par un jugement libre et dégagé de toute considération étrangère au bien public ! Nous devons le souhaiter plus que l’espérer. Le projet soumis à vos délibérations blesse trop d’intérêts particuliers, contrarie trop d’institutions locales, pour qu’il ne soit pas attaqué par une foule de motifs qui lui sont étrangers ; par des passions et des préjugés peu favorables à la liberté.

« Comme dans toutes les grandes discussions nationales, il est à craindre que l’animosité et les passions mauvaises ne connaissent plus de digues. À voir la conduite des partis opposés, il sera facile de juger qu’ils n’espèrent faire triompher leur opinion, et augmenter le nombre de leurs prosélytes que par la violence de leurs déclamations et l’amertume de leurs invectives.

« Un zèle éclairé pour l’énergie et l’efficacité du gouvernement sera dénoncé comme le crime d’un ami du despotisme, d’un ennemi de la liberté.

« Une inquiétude trop scrupuleuse pour la conservation des droits du peuple… sera dénoncée comme le moyen d’usurper une grande popularité aux dépens du bien public.

« D’un côté, on oubliera que la jalousie est inséparable