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Qu’on soit même tenté d’amnistier les erreurs et les fautes de nos pères, qu’on en fasse le crime du temps, je comprendrai ce sentiment, sans le partager ; car j’aime qu’on soit sévère avec les erreurs d’autrefois : j’y vois le salut du présent. L’amnistie des fautes passées encourage les fautes futures ; la sévérité de l’histoire ne trouble pas les morts dans leur tombe, et elle protège les vivants.

Mais ce que je ne puis admettre, c’est l’idolâtrie de la révolution. Rien de plus dangereux que le fétichisme du passé. Il y a en France un parti qui se dit démocratique et qui peut-être se croit libéral, et dont toute la science n’est qu’une foi aveugle dans la révolution. Quand il y a quelque réforme à faire, on ne se demande pas ce qui est bon et juste, mais ce qu’on a fait en 1793. Grâce à ce culte étrange, on entasse faute sur faute, erreur sur erreur, désastre sur désastre. Voulez-vous suivre le même chemin, vous échouerez comme en 1848. La science politique est une chose aussi certaine que les sciences naturelles. Vous ne pouvez répéter les mêmes fautes, sans aller aux mêmes abîmes. Soyons de notre temps : c’est la première condition du progrès. Il faut qu’un peuple vive de sa propre vie, qu’il étudie l’histoire pour s’instruire et non pour imiter. Rompons avec de vaines et dangereuses idoles. Le Dieu que nous cherchons est le père de la vérité et de la justice : c’est celui-là, et celui-là seul, qu’il faut reconnaître et adorer.