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ce système, c’est toujours le peuple qui a le dernier mot.

Vous voyez que si, en 1789, on avait pu populariser chez nous de telles idées, on aurait évité bien des malheurs ; car si, en 1789, on avait chargé une convention quelconque de faire une constitution et rien autre chose, si on n’avait pas remis entre les mains d’une assemblée tous les pouvoirs et toute la souveraineté, il est probable qu’on aurait fait une constitution qui durerait encore. Les Anglais, qui sont des gens pratiques, se sont bien gardés de ces réformes qui perdent un pays. Chez eux, il n’y a pas de constitution écrite, quoiqu’il n’y en ait pas de plus certaine ; cela leur permet de la réformer peu à peu. C’est le couteau de Jeannot ; on change tous les dix ans, tantôt la lame, tantôt le manche, et c’est toujours le même couteau. C’est là un avantage immense, parce qu’on ne se trouve jamais sans couteau et sans constitution.

C’est là le grand avantage de l’histoire : elle nous apprend à profiter de l’expérience des autres pays, et à douter un peu de notre sagesse et de notre infaillibilité.

Il y a en France un esprit dangereux dont il faut se corriger. La révolution a été une très-grande chose, elle a corrigé d’énormes abus et aboli des privilèges détestables, elle s’est défendue vaillamment, contre l’étranger. Il en est résulté qu’elle a gardé pour nous un caractère religieux et sacré. Qu’on respecte le courage et le dévouement de nos pères, ce n’est pas moi qui m’y opposerai. Le meilleur sentiment qui puisse exister dans l’âme d’un peuple, c’est le respect.