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il avait fait une adresse qu’il avait envoyée à tous les gouverneurs des États, et que, dans cette adresse, il avait donné des conseils et demandé la réforme de la confédération. Or, pour Washington, l’âme la plus patriotique, le cœur le plus civique qui ait jamais existé, un général qui même en déposant son commandement donnait des conseils, cela lui semblait quelque chose de peu régulier et de dangereux pour la liberté. Donner des conseils au pays, quand on commande une armée, cela pouvait être innocent chez un Washington ; mais pour d’autres généraux qui ne sont pas des Washington, il est très-facile de passer à l’injonction, de l’injonction à l’action, et de prendre sur soi de faire le salut du pays.

Washington avait donc justifié sa demande à ses propres yeux, en se disant que ses conseils étaient le testament d’un homme qui rentrait dans la vie privée. À cette condition de ne plus rien être, il avait pensé qu’il pouvait donner un dernier avis à son pays, sans que la liberté courût aucun danger. C’était un adieu suprême qu’il avait adressé à ses concitoyens. Rentrer dans la vie publique, n’était-ce pas donner un exemple fatal à la liberté ?

D’un autre côté, il craignait que le peuple ne fût pas mûr pour un changement. Il avait la parfaite connaissance des républiques ; il savait que toute démarche précipitée met l’opinion en défiance et compromet la cause même qu’on veut servir. « Un des inconvénients des gouvernements démocratiques, écrivait-il au général Knox, et ce n’est pas le moindre, c’est qu’il faut tou-