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pouvoir deviner comment ils viendront, quelle en est la nature ni quel en sera le degré.

« Et cependant je ne doute pas que nous ne finissions par nous tirer de cet abîme, et qu’un jour les choses n’aillent bien. Il est impossible que tant d’événements se soient miraculeusement combinés pour délivrer l’Amérique, et faire de nous une nation, et cela pour un résultat passager et insignifiant. Je crois encore que nous deviendrons un peuple grand et respectable ; mais quand et comment, c’est ce qu’un prophète seul pourrait annoncer.

« Il y a sans doute plus d’une raison de penser et de dire qu’on nous égare tristement et souvent même méchamment. L’égoïsme fait oublier toute considération générale, et le grand objet d’attention, ce sont les intérêts particuliers plutôt que l’intérêt commun. Les corps représentatifs seront toujours la copie fidèle de ce qu’ils représentent ; ils offrent en général un mélange bigarré de vertu et de vice, de faiblesse et de talent.

« La masse des hommes n’est ni sage, ni bonne, et la vertu, comme toutes les autres forces d’un pays, ne peut avoir d’effet si elle n’est placée dans un milieu favorable, et soutenue par un pouvoir énergique et habile.

« Le malheur des gouvernements nouveaux, c’est que, pour se soutenir, ils n’ont pas l’habitude et le respect héréditaires, et qu’étant la plupart du temps le produit du désastre et de la confusion, ils ne peuvent acquérir immédiatement la force et la stabilité.

« En outre, dans les temps de révolution, il y a des hommes qui gagnent la confiance publique et acquièrent une certaine importance, sans mériter ni l’une ni l’autre. Ces charlatans politiques se soucient moins de rendre la santé à un peuple crédule, que de lui vendre le plus cher possible leurs recettes et leurs onguents.

« Ce que je crains par-dessus tout, c’est que le fond de la nation (j’entends par là les classes industrieuses, régulières,