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laissant faire le moindre mal possible, car de sa nature le pouvoir était chose mauvaise et malfaisante. La liberté devait suffire à tout. C’est là une des erreurs qui, en France, ont empêché le triomphe de la liberté. La liberté est intéressée, au premier chef, à ce qu’il y ait un pouvoir, et pourquoi ? Le voici !

Permettez-moi une comparaison. La vie pour nous a d’abord des conditions matérielles. Boire, manger, dormir, sont tout ce qu’il y a de plus grossier au monde ; mais l’homme aurait beau avoir toutes les vertus imaginables, s’il ne peut manger, non-seulement il devient incapable de rien faire de noble ni de grand, mais en peu de temps il est mort. Il en est de même des sociétés. Le premier besoin des sociétés, je ne dis pas dans l’ordre de noblesse, mais dans l’ordre de nécessité, c’est la sécurité ; et il n’y a de sécurité qu’avec des lois établies, et un pouvoir qui peut contraindre au respect de la loi. Il faut que la société ait à son service une force qui fasse exécuter la loi, qui soit l’expression de la justice ou tout au moins de la volonté et des intérêts de la majorité. Partout où ce pouvoir disparaît, la sécurité disparaît aussi, la société tombe dans l’anarchie. Un pouvoir constitué, c’est la première condition d’existence d’une société. En France, au lendemain d’une révolution, la grande erreur est d’abattre le pouvoir ; on s’imagine qu’on fait de la liberté, on fait de l’anarchie, et précisément parce qu’on fait de l’anarchie, on compromet et on perd la liberté. C’est là l’histoire de toutes nos assemblées. Leurs intentions étaient droites, il y avait dans toutes d’excellents patriotes ; mais toutes ont