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force. » Don Diego répondait : « L’avenir sera l’avenir ; traitons pour aujourd’hui. Qui sait si la colonisation de l’Ouest ne fera pas tort aux pays du littoral, et si vous-mêmes vous n’arrêterez pas l’émigration ? » Et il n’en voulut pas démordre. Aussi Jay disait avec esprit : « Il est impossible de discuter avec les Espagnols, ils ne comprennent jamais un raisonnement que lorsque ce raisonnement est en leur faveur. Quand la Sainte Écriture reconnaîtrait expressément notre droit de navigation, nous ne pourrions l’obtenir qu’en repoussant la force par la force[1]. »

La position était difficile, et quand on lit les lettres de Washington, on voit que lui aussi craignait que les colonies de l’Ouest ne formassent un nouvel élément de puissance qui pencherait d’un autre côté. L’idée constante de Washington, c’était de chercher dans les Alleghanys des passages qui allassent dans l’Ouest, afin de ramener par l’intérêt la population de l’Ouest vers l’Atlantique. Washington ne voyait pas alors un grand intérêt politique à cette libre navigation du Mississipi, il ne prévoyait pas l’importance que cette question aurait un peu plus tard ; mais il y avait là un principe, le principe de libre navigation qu’il défendait avec chaleur : « Nous ne pouvons, disait-il, accepter ce principe que les grands fleuves appartiennent aux riverains. Réservons le droit, puisque nous ne pouvons mieux faire aujourd’hui ; faisons un traité qui stipule que, pendant vingt ans, nous ne réclamerons pas la

  1. Pitkin, t. II, p. 204.