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sous Cromwell. L’Espagne, la France, le Portugal, la Hollande en faisaient autant de leur côté. Mais quel était le résultat de ce beau système ? C’est que toute l’Europe était en état d’hostilité perpétuelle. Du dix-septième au dix-huitième siècle, la pensée constante de tous les politiques, c’est d’envahir les colonies de leurs voisins, c’est de s’emparer de la mer et d’avoir seuls le monopole de ce qu’on considérait comme la richesse du monde. Dans le dix-septième et dans le dix-huitième siècle, cherchez quelle est la cause des guerres qui agitent et ruinent l’Europe : il n’y en a point d’autre que l’égoïsme commercial. L’Espagne veut conserver ses colonies pour elle seule ; l’Angleterre n’a qu’une pensée, c’est d’abattre la puissance espagnole qui lui ferme l’Amérique, ce à quoi elle est arrivée en 1820. De même en France, toutes nos querelles avec l’Angleterre, querelles qui se terminèrent par la perte du Canada, sont inspirées par la jalousie commerciale. Telle est la politique avec laquelle Pitt voulait rompre, et que maintenait la sagesse de lord Sheffield.

L’indépendance américaine ruinait le vieux système colonial ; il inaugurait une ère nouvelle, l’ère de la liberté commerciale. Voilà ce que comprenaient des hommes comme Pitt ; mais, par malheur, c’était une minorité. L’Amérique émancipée entrant pour son propre compte dans le monde, le nouveau continent se détachant de l’Europe et vivant de sa propre vie, c’était un événement que personne n’avait prévu, et qui déroutait tous les politiques à courte vue. Jusqu’à la révolution de 1776, l’Amérique n’avait été qu’un appendice de l’Eu-