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c’est lui qui veille sur sa grandeur, qui protège ses intérêts en face de l’étranger. À l’intérieur, doivent être en ses mains la justice, la police, les finances. Mais en dehors de cela il y a un immense territoire qui ne lui appartient pas, c’est le territoire de l’activité individuelle  ; là le pouvoir est tyrannique, il ne représente plus qu’un égoïsme particulier. De même la liberté est souveraine dans ce territoire ; mais quand elle veut à son tour s’emparer du gouvernement, empêcher l’exécution de la loi, elle sort de son domaine et enfante l’anarchie. C’est dans cette distinction qu’est la force des États. C’est ce qui explique comment les gens qui ont étudié la politique sont partisans du pouvoir et de la liberté. C’est là une position délicate, et qui a pour résultat de faire désigner les gens comme des modérés, titre qu’on ne pardonne guère en France, où nous aimons beaucoup les extrêmes, où nous les aimons même dans la vie privée. Le plus mauvais sujet possible, un don Juan, nous séduit. À l’autre extrémité, un moine dans sa cellule a pour nous quelque chose de beau, ce moine qui fuit le monde pour fuir le danger ! Une honnête femme qui aime son mari et qui aime son ménage, cela n’a rien de grand pour nous : il nous faut l’héroïsme d’une carmélite. J’imagine cependant que devant Dieu une femme vertueuse qui fait le bonheur de son mari et de ses enfants n’est pas moins grande qu’une sainte Thérèse. Il en est de même en politique. Rien de plus rare que la vraie modération. Il est très-facile de déclarer que le pouvoir a toujours tort ; il l’est encore plus de déclarer qu’il a toujours raison, et il y a quelquefois avantage personnel à sou-