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l’exécuterait quand l’Angleterre donnerait l’exemple, en rendant les nègres volés et en évacuant les postes frontières. En attendant personne ne bougeait. C’est ainsi qu’on arriva au commencement de 1787.

C’est ici que j’arrêterai ma leçon d’aujourd’hui. Nous avons vu comment à force de souffrance l’Amérique en est arrivée à sentir la nécessité de constituer un pouvoir financier et un pouvoir politique. Cette expérience si chèrement payée nous donnera la clef de la constitution américaine ; elle nous fera aussi comprendre que la façon dont le pouvoir est organisé chez les peuples modernes est le résultat d’une longue expérience, et il est toujours bon de savoir comment on en est arrivé là pour apprécier les biens dont on jouit. En même temps nous y trouvons la démonstration de cette grande vérité, trop peu connue : c’est qu’un pouvoir fort est nécessaire au maintien de la liberté, et que l’anarchie, comme le dit Tacite, mène à la tyrannie. Il y a donc un intérêt de premier ordre à ce que le pouvoir soit bien constitué : c’est la première condition de la liberté. L’erreur générale est de considérer toujours la liberté et le pouvoir comme deux ennemis qui se partagent un même domaine. Il semble que tout ce que prend le pouvoir il le prend à la liberté, et que tout ce que prend la liberté elle le prend au pouvoir.

C’est là qu’est l’erreur : la vérité est que d’ordinaire le pouvoir a de certaines attributions qui lui appartiennent, et d’autres qui ne lui appartiennent pas légitimement. Il est le représentant du pays au dehors ;