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avaient dit la vérité. Le temps les justifia, et le jour où le pays se sentit souffrant, il mit sa confiance dans ceux qui ne l’avaient pas trompé.

« Quand on a raison, a dit M. Guizot, on ne sait jamais assez combien on a raison. » Nous avons toujours peur de la vérité, de la justice, de la liberté. Par faiblesse, par crainte du bruit, on tâche de mêler un peu d’erreur avec beaucoup de vérité, ce qui fait un mélange détestable. On dit : je voudrais être juste, mais il y a tant de privilèges à ménager ! On tâche de faire une demi-justice et de laisser les privilèges vivre à côté de la liberté. Transiger, c’est fort bien ; mais au bout de quelque temps, le privilège qui est personnel, intelligent, actif, écrase la liberté : tout est à recommencer. D’autres fois, si on se trouve en face d’une liberté réclamée par le vœu général, on dit : oui, cédons ; mais cela fera peut-être de l’agitation. Il faut mettre un peu d’administration pour tempérer la liberté, pour la sauver de ses propres excès, et alors, avec ce peu d’administration qui grandit toujours, la liberté disparaît.

Ce n’est pas ainsi qu’il faut agir ; quand on a trouvé la liberté, il faut l’appliquer sincèrement, franchement, complètement. Quand on a trouvé la vérité, il faut la dire et aller de l’avant. On prétend qu’il y a des vérités dangereuses, je n’en connais point : ce sont les demi-vérités qui sont dangereuses, car, sans cela, il faudrait dire qu’il y a des erreurs qui sont bonnes, ce qui équivaudrait à dire qu’il y a des maux qui sont des biens et des biens qui sont des maux. Il