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part. Si, comme on l’a dit aux officiers pour exciter leur indignation, ils sont les seules victimes de la révolution, s’il faut qu’ils passent dans la honte, le mépris et l’indigence les restes d’une vie couverte de gloire, alors j’aurai connu l’ingratitude, et cette triste épreuve empoisonnera la fin de mes jours.

« Non, mon cœur ne connaît pas ces craintes. Une nation généreuse n’oubliera jamais les services de ceux qui tant de fois l’ont sauvée du danger[1]. »

Cette lettre de Washington fit une impression des plus vives sur le congrès. On se résolut à satisfaire des demandes trop légitimes, et, le 22 mars 1783, on décida qu’à la paix on donnerait aux officiers cinq années de solde qui devraient leur tenir lieu de retraite. On n’osa pas aller plus loin, on avait peur de ces privilèges qui effrayaient les puritains politiques de la Nouvelle-Angleterre. Ce fut ainsi que fut réglée cette grande affaire. Puis il fallut penser à dissoudre l’armée. Là encore, le congrès hésita. Washington insista. Il fallait payer l’armée, on ne renvoie pas les soldats avec des dettes ; c’était un devoir que de s’acquitter envers eux. On se décida enfin, grâce au concours de l’habile surintendant des finances, Robert Morris.

Le 4 juillet 1783, on régla les comptes de l’armée. On ne paya pas, car la caisse fédérale était vide ; mais on remit des certificats qui plus tard devaient se transformer en argent. Le 18 octobre une proclamation de Washington prononça la dissolution de l’armée, et, sans désordre ni plainte, tous les soldats et les officiers

  1. Ramsay, Vie de Washington, p. 237.