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milton, si on charge chaque État de payer la pension de ses officiers, il n’y aura plus de soldats de l’Union, il y aura des soldats de la Caroline, de la Virginie, et le fruit de la guerre sera perdu. Ces idées étaient très-bien reçues dans l’armée, l’armée se considérait comme le ciment de l’Union ou comme les cerceaux de la barrique. Une fois ces cerceaux déliés, tout allait tomber. Il y avait donc chez Hamilton, Gouverneur Morris et Robert Morris, le surintendant des finances, une faveur pour l’armée qui plus tard fut injustement soupçonnée ; on accusa les hommes de l’Union d’avoir été les excitateurs d’une révolte qu’ils avaient cherché à prévenir. Sans égard aux services rendus, par jalousie provinciale, par haine des privilèges, le congrès repoussa la demande des officiers.

J’ai raconté, dans un précédent volume, comment ce refus injuste et impolitique produisit dans l’armée une agitation, qui, en tout autre pays et avec un tout autre chef, eût amené la fin de la république et enfanté la dictature. Je ne reviendrai pas sur ces événements qui montrèrent sous un si beau jour le patriotisme et la vertu de Washington. Je dirai seulement que ces événements, Hamilton les avait prévus avec sa sagacité ordinaire.

Aussi n’a-t-on pas manqué de dire qu’il en était l’auteur, car toutes les fois qu’on prévoit quelque chose en politique, il est rare que la foule n’accuse pas le prophète ; c’est tout aussi raisonnable que si on punissait le baromètre d’annoncer la pluie. Hamilton avait averti Washington, et lui avait recommandé de ne pas